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"Tout homme qui veut lire avec intérêt l'histoire de la France, et approfondir cette belle étude, doit se demander avant tout : par qui cette région fut-elle habitée dans les temps les plus reculés ? Quels indigènes les Francs et autres conquérant de cette contrée eurent-ils à déposséder ou à soumettre? Quels faits de ce peuple ancien, les écrivains les plus dignes de foi nous ont-ils transmis ? Un sol si fertile, situé d'une manière si avantageuse entre l'Océan, la Méditerranée, de vastes chaînes de montagnes et le beau fleuve qui lui sert de limites au Nord, n'a-t-il pas nourri de bonne heure des habitans robustes? et quelque lente qu'ait été sa civilisation, son histoire n'a-t-elle-rien qui puisse nous intéresser? N'y auroit-il pas des fapports curieux à étudier, ou des différences frappantes à signaler, entre les moeurs et les coutumes des anciens peuples de la Gaule et celles des Francois actuels ? C'est pour répondre à ces diverses questions, que je me suis livré à des recherches sur les Gaulois; quoique embarrassées d'un grand nombre de difficultés résultantes du silence des historiens ou de leurs contradictions, elles m'ont paru susceptibles de méthode, et propres à jeter de la lumière sur l'histoire d'un peuple qui, dans des temps très reculés, comme de nos jours, a joué un grand rôle dans l'Europe."
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"Qu'on me permette ici de rapporter à quelle occasion j'ai écrit sur ce sujet. Je lisois, il y a trois ou quatre ans les histoires de Tite-Live et de Justin ; je n'y vis point sons étonnement que, les Gaulois, deux ou trois siécles avant Jésus-Christ, jouaient un rôle important dans les affaires de la Mécédoine, de la Grèce et même de l'Asie; je voulus faire des recherches sur l'origine de ces peuples, mais n'ayant rien trouvé de complétement satisfaisant dans quelques auteurs modernes, je me décidai à recourir aux sources, c'est-à-dire , aux écrivains anciens ; presque tous parlent, plus ou moins, des Gaulois ; la lecture de l'un entraîna celle de l'autre; de là naquirent un travail assez considérable et des recherches plus suivies que celles dont j'avois d'abord eu l'idée; Ce travail, quelqu'aride qu'il puisse paroître au premier coup-d'oeil, a cependant de quoi piquer la curiosité; il m'a constamment intéressé , et je ne regretterai jamais le tems que je lui ai consacré; tant il est vrai qu'il suffit d'approfondir un sujet littéraire quelconque et de s'en occuper de suite, pour y trouver une nourriture agréable à l'esprit; jamais les heures ne s'écoulent avec plus de rapidité qu'au milieu d'une occupation de ce genre ; souvent la journée arrive à sa fin, tandis qu'on la croit encore à son commencemént ; on sent alors tout le prix de la vie, et l'on n'éprouve qu'un seul regret, celui de la voir s'enfuir avec trop de vitesse; il semble que tous les jeunes gens, qui suivent la carrière des études, devraient se pénétrer de cette idée; alors, au lieu de se livrer à des lectures vagues et indéterminées, ils choisiroient quelque sujet particulier, auquel ils donneroient tout leur tems; ils ne le quitteroient point sans en avoir recueilli tout le fruit qu'on en peut obtenir; en suivant cette méthode, ils retireroient de leurs études des jouissances inconnues aux esprits superficiels, et il s'en trouveroit parmi eux dont les recherches acquerroient assez de profondeur pour devenir utiles au Public."
J. Picot in Histoire des Gaulois, 1801, T1, préface |